Suspension des recrutements sur mesures nouvelles au Burkina Faso : Des élèves des écoles de formation inquiets

Suspension des recrutements sur mesures nouvelles au Burkina Faso : Des élèves des écoles de formation inquiets

En avril dernier l’ex Premier ministre Albert Ouédraogo avait annoncé devant l’Assemblée législative de transition la suspension des recrutements sur mesures nouvelles dans la fonction publique. Une nouvelle qui réjouit certaines personnes mais qui rend malheureuses d’autres surtout ceux qui ont fait les écoles de formations.

A Gounghin, un quartier de la capitale burkinabè, réside une jeune dame qui a fait une école de formation professionnelle. Le regard triste comme si on venait de lui annoncer une mauvaise nouvelle, la citoyenne répond difficilement aux questions. « Je ne veux même plus penser à cette histoire de suspension des recrutements sur mesures nouvelles. S’il faut payer pour faire une école de formation et revenir passer le concours direct, je pense que c’est du gaspillage d’argent pour moi. La probabilité qu’il n’y ait plus de recrutements sur mesures nouvelles est élevée parce que beaucoup de personnes critiquent le système de recrutement », pense la Burkinabé qui requiert l’anonymat.

Elle reconnaît que la décision du gouvernement d’assainir le milieu des recrutements sur mesures nouvelles est bonne. Cependant, cette décision n’arrange pas ceux qui ont déjà fait une école de formation comme elle.

« Moi personnellement je n’ai pas eu la chance d’aller tôt à l’école et mon âge joue en ma défaveur. C’est dans l’espoir de trouver vite un travail qu’après le baccalauréat j’ai dû travailler dur pour pouvoir payer ma formation dans un centre qui forme les enseignants du primaire. J’ai fait cette formation parce que j’espérais avoir la chance d’intégrer vite la fonction publique. Car l’Etat recrutait beaucoup lors des concours sur mesures nouvelles », explique notre interlocutrice.

Elle souligne qu’au Burkina Faso, les écoles primaires privées paient mal les enseignants. « Le salaire d’un enseignant du privé varie de 35000 FCFA à 200 000 FCFA. C’est seulement dans les écoles de prestige qu’un enseignant peut toucher 200 000 F. La semaine dernière, j’ai accompagné une promotionnaire dans une école à Tanghin qui recrutait. Le fondateur lui a proposé 40 000 FCFA le mois. Elle était obligée d’accepter puisqu’elle n’a rien d’autre à faire. Souvent certains font des mois sans être payés. C’est cette situation qui fait que nous voulons tous intégrer la fonction publique », révèle la jeune dame.

La citoyenne demande au gouvernement de veiller à ce que dans les écoles privées les enseignants soient bien payés et qu’il n’y ait pas d’arriérés.
Fadilatou Tiemtoré quant à elle a fini sa formation d’enseignant en 2020. Depuis lors, elle n’a pas encore touché à une craie. La cause, le mauvais traitement des enseignants du primaire. Madame Tiemtoré a fait une formation dans l’espoir d’intégrer la fonction publique. Elle n’a jamais imaginé que les recrutements sur mesures nouvelles allaient être suspendus un jour.

« Si le gouvernement arrête définitivement les recrutements sur mesures nouvelles, nous sommes voués à l’échec. Car nous n’aurons plus accès au concours de l’enseignement et nous sommes appelés à enseigner uniquement dans les écoles primaires privées. Je serai obligée de composer à nouveau pour les autres concours ». Dans l’espoir que la suspension soit levée, Fadilatou aide sa mère à vendre des fruits.

Hermann Zongo, étudiant, croit que le gouvernement a bien agi en suspendant les recrutements sur mesures nouvelles. L’étudiant estime que tout le monde doit passer par les concours directs pour accéder à la fonction publique. « Pour quelqu’un qui a déjà fait une formation professionnelle, on peut réduire son temps de formation. Cela permettra à l’Etat de réduire un peu ses dépenses. Mais le plus important c’est que tout le monde passe par le concours direct », propose l’étudiant.

Le Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC) a plusieurs fois dénoncé la manière dont se font les recrutements sur mesures nouvelles. Pour le secrétaire exécutif du REN-LAC, Sagado Nacanabo, cette suspension va permettre de mieux réorganiser ce type de concours. « La suspension n’est pas une suppression. Elle doit être une mesure conservatoire pour examiner les conditions de retour à l’organisation de recrutements sur mesures nouvelles en tant qu’appoint au recrutement principal qui doit être fait par concours. Sans népotisme et sans favoritisme, si on veut avoir des agents publics compétents, intègres et consciencieux », a indiqué M. Nacanabo.

Contacté pour avoir plus d’éclaircissement sur la question, le ministre de la fonction publique, Bassolma Bazié, a laissé entendre qu’« un audit est engagé sur les mesures nouvelles, les acteurs ont presque fini leur travail. Si leur recommandation est de les supprimer, il en sera ainsi. Un Etat sérieux respectant l’égalité de tous les citoyens doit s’assumer ».


Source: Lefaso.net

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